Bibliothèque étudiante et loge de la Bibliothéquaire

*Des pas résonnèrent quelques instants, venant de derrière les portes d’entrées de l’immense bibliothèque. Le bibliothécaire leva la tête quelques instants, puis, non étonné de ne voir personne entré, repris son rangement. Cependant, alors qu’elle tournait la tête, une voix l’interpella, ce qui la fit sursauter. Trayvor était là, à quelques mètres d’elle, heureux de l’avoir surpris, scrutant ce visage momentanément apeuré, puis enchaîna, courtois.*
« Je suis désolé de vous avoir surpris très chère, mais je pensais que, dans un tel lieu, le calme et le silence était de rigueur. » *, dit-il, tout en tournant quelques instants son regard vers le reste de la bibliothèque.*
« Hum… Oui, bien sûr, jeune homme. »
*La bibliothécaire, se reprenant assez vite, au plus grand déplaisir de Van Allighem, lui demanda alors ce qu’il souhaitait.*
« Et bien, ne connaissant pas encore tout à fait ses lieux, je souhaiterais savoir si vous possédez quelques livres d’histoire sur ceux-ci et… »
*La langue de Tray humecta discrètement les lèvres de celui-ci.*
« … Si vous avez dans vos si grands rayons un quelconque livre de gastronomie. J’aurais besoin de me… »
*Trayvor marqua un temps, observant le cou charnu de la bibliothécaire.*
« …Perfectionner. »
*La bibliothécaire frotta son menton de son index quelques secondes puis indiqua où Trayvor pouvait trouver ce qu’il voulait, puis, avec un léger sourire, appréciant la tranquille politesse du jeune homme : *
« Et vous avez besoin de cela pour un cours optionnel, jeune homme ?... »
« Oh, non… »
*Tray sourit à nouveau.*
« Il ne s’agit pas d’une option, loin de là. »
*Ne comprenant pas tout à fait ce que voulait dire Van Allighem, la femme le devança et, devant un des immenses rayons, pointa du doigt l’endroit où se situaient les livres pouvant l’intéresser. Bien sûr, et tandis que Tray commençait déjà à avancer parmi les livres, elle lui rappela de ne pas oublier de repasser la voir s’il souhaitait en emprunter quelques uns… Mais le jeune homme ne l’écoutait déjà plus, tant elle l’écœurait, par son comportement, et tant il était hypnotisé par l’ambiance et la magnificence des lieux : le bois, son odeur, celle du papier, des vieux livres et de ceux plus récents, les jeux de lumières, les chuchotements… Soudain, une autre pensée le traversa, alors qu’il continuait de s’approcher des livres de gastronomie : bientôt, il aurait besoin d’un livre d’anatomie. Il était toujours bon de revoir ses classiques.*

*Trayvor ouvrit les yeux… Du bois, et cette même odeur que dans son rêve. D’ailleurs, cela avait-il vraiment été un rêve ? Relevant la tête, il s’aperçut malheureusement que non, car ses yeux parcouraient désormais les rayons de la grande bibliothèque. Assis à une des tables, Tray retrouva les livres de ceux qu’il avait vus dans ce qu’il avait pris pour un songe : gastronomie, anatomie, plan et histoire du manoir… Van Allighem se leva d’un coup, affolé. Que se passait-il ? L’ « autre » était-il revenu ? Voyant que certaines personnes l’observait se lever subitement, tandis que sa chaise tombait, le jeune homme se reprit. Remettant la chaise à sa place, prenant les livres dans ses bras, il se rapprocha de l’entrée, à l’endroit où était la bibliothécaire.*
< Es-tu revenus ? Que veux-tu ? Pourquoi… Ces livres ? Je crains le pire… >
*Tandis que Tray tentait de converser intérieurement avec l’autre, qui ne lui répondait pas, il emprunta les livres, plus par curiosité pour les domaines qui intéressaient l’ « autre », que pour son intérêt propre. Même si cet autre était aussi…Lui-même. Douce schizophrénie.*
< Réponds ! Réponds-moi ! Qu’est-ce que tu veux ? Ne me fais plus subir ce type de promenade, alors que je dors !…>
*Mais rien, toujours ce silence pesant dans sa tête. Ses seules pensées : longtemps, il avait souhaité cela. Mais, maintenant… Il se sentait manipulé, incapable de réagir. S’interrogeant davantage, à chacun de ses pas, sur ce qui lui arrivait, Van Allighem sortit de la bibliothèque, continuant de porter les ouvrages vers sa chambre. La chenille s’était fait cocon, et bientôt, un noir papillon allait sortir de la sinistre chrysalide…*